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Lâcher prise

De la difficulté de se détacher de soi

Lâcher prise et dire adieu est un thème personnel qui fait partie de la vie. Nous devons laisser partir nos enfants, perdre des amis sur le chemin, nous séparer de celui ou celle qui a été notre partenaire. Quand la mort est imminente, il s'agit de se détacher de soi-même ce qui est encore une autre histoire.

Dans la littérature sur la mort, il n'y a que peu de réflexions sur ce sujet. La thérapeute allemande Anne-Marie Tausch s'est penchée sur ce thème dès les années septante. Elle a fait un travail de recherche qui fait toujours office de référence en la matière. Son livre „Gespräche gegen die Angst“, littéralement „Dialogues contre la peur“ est paru la première fois en 1981 et fait partie des classiques du genre dans l'espace germanophone. Nous avons tiré les passages suivants sur le thème de l'adieu et du lâcher prise d'un chapitre de ce livre qui s'intitule „Mourir, un moment de développement personnel“. Pour écrire ce livre, Anne-Marie Tausch s'est basée sur des discussions de groupes et des dialogues avec des personnes mourantes du cancer. Peu après la parution de son livre, Anne-Marie Tausch a été elle-même atteinte du cancer et en est décédée en 1981. Voici quelques extraits de son livre*:

„La plupart des mourants ont de la peine à abdiquer, à lâcher prise sur eux-même. Dans leur vie, ils ont été trop ‚battants’ pour accepter leur propre mort avec sérénité. D'autres par contre ont une grande confiance en la vie mais aussi en leur mort. Ils ne sont pas préoccupés de mourir, mais ils attendent, laissent venir à eux les événement, apprennent, et continuent ainsi à évoluer.

‚Cela devient de plus en plus facile. Parfois c'est encore très douloureux, mais j'apprends à faire des concessions, à me séparer de petites choses, d'espoirs, de désirs, d'attentes’.

Hella, deux semaines avant sa mort: ‚J'aurais souhaîté vivre la mort en toute conscience et avec tous mes sens en éveil. Mais entretemps, j'ai du accepter que cela n'était peut-être pas possible. Alors, j'ai pensé que la meilleure chose serait de m'endormir et de ne plus jamais me réveiller. Mais je laisse tomber un à un ces désirs et je me dis que cela va déjà bien s'arranger’.

Certains mourants apprennent à se détacher peu à peu de leur corps. Ils ne s'y accrochent plus, mais ils le laisse gentiment de côté, et par là même, la souffrance. „Je laisse venir la douleur à moi, même s'il me semble qu'elle est au-dessus de mes forces et que je me dissous. Si je la laisse venir et que je lui dis, viens toujours plus profond, alors c'est la douleur même qui se dissout’.

Le lâcher prise du corps, le renoncement aux questions et aux pensées qui tourmentent, l'abandon des soucis pour les autres: tous ces processus ont un effet reposant pour le mourant. Il se sent libre de suivre son chemin: ‚Et soudain, j'ai remarqué que je ne devais plus rester... Quelle libération!’.

Lâcher prise de tout peut aussi signifier: recevoir beaucoup. Mourir peut permettre à l'humain d'élargir son monde de sensations et de sentiments. Il parvient à une paix intérieure, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, se sentir plus vivant. Une femme médecin: ‚Deux jours avant la fin, il se passe quelque chose dans ces êtres qu'on ne peut s'imaginer, comme si l'âme s’apercevait que ce corps la quitte. Et je perçois en eux une impassible tranquillité’.“

* Extraits traduits du livre „Gespräche gegen die Angst – ein Weg zum Leben“ de Anne-Marie Tausch (Editions Rowohlt).